
COUPE DU MONDE DE RUGBY FEMININ
C'est aujourd'hui que débute la dixième édition de la Coupe du monde féminine de rugby à XV qui durera jusqu'au 27 septembre 2025, en Angleterre. Avec "Manae Feleu, Captain Futuna" vous découvrirez le portrait de la capitaine du XV de France. Également étudiante en médecine, la jeune Futunienne incarne avec force et sérénité un double parcours d'exception, entre engagement sportif et vocation médicale.Outre-mer la 1ère •
À 25 ans, Manae Feleu mène une vie à cent à l'heure. Capitaine de l'équipe de France féminine de rugby et étudiante en cinquième année de médecine, cette jeune femme originaire de Futuna, petit archipel du Pacifique, incarne avec brio ce que signifie porter un double projet d'excellence.
Une vocation née dans l'adversité
"Je me suis dit que je voulais être médecin assez tard dans mon cursus scolaire", confie Manae. C'est une blessure aux ligaments croisés qui a déclenché sa passion pour la médecine. "Dans mon malheur, je me suis beaucoup intéressée à tout ce qui était autour de l'opération des croisés, je regardais beaucoup. J'adorais le fait d'être au bloc". Une fascination qui l'a conduite vers des études exigeantes, qu'elle poursuit aujourd'hui à Grenoble.
Portée par son double engagement, Manae dessine le parcours d'une femme d'exception. Son quotidien est un défi permanent : "Je commence à 8h, je suis à l'hôpital jusqu'à 18h, ensuite je file à mon entraînement qui commence à 18h30". Les week-ends sont consacrés aux matchs, souvent loin de chez elle, avant de reprendre le lundi matin son stage hospitalier.
Entre deux mondes
Si Manae a dû quitter Futuna très jeune pour poursuivre ses études - "Si je restais dans les îles, je n'aurais pas fait d'études de médecine, tu ne peux pas en faire là-bas" - elle reste profondément attachée à ses racines. Récit intime et souffle collectif, au cœur d'une famille de champions et d'une île en péril.
Sœurs de sang, sœurs de mêlée : le duo Feleu sous le maillot bleu
Au cœur du parcours remarquable de Manae Feleu se dessine une relation fraternelle particulière avec sa petite sœur Teani. Toutes deux partagent non seulement un héritage culturel fort, ancré dans leurs racines futuniennes, mais également une passion commune pour le rugby qui les a menées jusqu'au plus haut niveau international.
Cette complicité fraternelle a connu son apogée lorsqu'elles ont eu l'opportunité rare de porter ensemble le maillot de l'équipe de France. Manae évoque ce moment avec émotion : "Avoir sa petite sœur à côté de soi pendant la Marseillaise, c'est juste incroyable. On allait rêver de se dire que là c'était enfin une réalité, tu ne peux même pas mettre des mots là-dessus tellement c'est fort".
La surprise de voir sa sœur sélectionnée en même temps qu'elle reste gravée dans sa mémoire : "Le moment qui m'a le plus marqué c'est quand on a annoncé la compo de l'équipe de France et je ne m'attendais vraiment pas à voir sa petite tête et quand j'ai vu sa tête, j'ai buggé, je l'ai regardée, j'ai regardé le tableau. Je me suis dit mais attends, je vois mal".
Teani, quant à elle, porte un regard admiratif sur sa grande sœur, reconnaissant son leadership naturel tout en gardant une relation décontractée : "Elle a une âme de leader naturel. Donc forcément les gens vont vers elle puis elle aime aider les autres, ça ne la dérange pas de prendre de son temps libre pour aller aider quelqu'un". Elle ajoute avec humour : "En résumé, je n'ai pas peur de ma sœur".
Cette relation sororale représente également une immense fierté pour leur père, Nisié Feleu, qui a vu ses deux filles accomplir ensemble ce qu'il avait semé en développant le rugby à Futuna : "La première fois que je les vois toutes les deux, j'ai pas pensé que c'était mes filles, je pensais à ce que les gens peuvent ressentir... sortir d'une petite île comme ça et réussir à jouer pour la France...".
Ensemble, Manae et Teani incarnent non seulement l'excellence sportive, mais aussi les valeurs de solidarité et d'entraide propres à leur culture d'origine, portant haut les couleurs de Futuna sur la scène internationale du rugby.
Le rugby féminin en pleine évolution
"Le rugby féminin aujourd'hui est un peu dans une période entre-deux", analyse Manae. Si au plus haut niveau, une trentaine de joueuses peuvent vivre de leur sport en équipe de France, la réalité en club est bien différente : "Toutes mes copines font quelque chose à côté du rugby. On est comme les garçons il y a 20-30 ans, quand ils n'étaient pas pros et qu'ils avaient toujours leur job à côté."
Cette situation crée des défis particuliers pour les entraîneurs : "On est constamment dans le management de la charge mentale", explique l'un d'eux. "C'est la capacité à ce que les filles s'entraînent dans les meilleures conditions mais avec des temps de récupération suffisamment importants".
Un leadership tranquille
En tant que capitaine, Manae apporte une sérénité précieuse à son équipe. "Manae est une capitaine qui aime bien quand les choses sont dites avec transparence mais avec sérénité", souligne son entraîneur.
Construit comme une odyssée, ce documentaire trace un pont entre deux mondes que tout semble opposer, mais que la jeune femme relie avec une force tranquille. Si au début de son capitanat, Manae n'était "pas super à l'aise avec les prises de parole", elle a appris à s'affirmer quand la situation l'exigeait". "Il y a des moments où tu sens que c'est toi qui dois parler et c'est de toi que les filles attendent quelque chose".
Alors que débute la Coupe du monde 2025 en Angleterre, Manae Feleu incarne parfaitement cette nouvelle génération de sportives qui refuse de choisir entre passion et profession. Cette terre méconnue et complexe où la crise démographique et les problématiques climatiques inquiètent la population trouve en elle une ambassadrice émérite, qui porte haut les couleurs de la France et de Futuna, avec détermination et humilité.
Écrit et réalisé par : Tarik Ben Ismaïl
FRANCE INFO "Outre mer"